Les médias en parlent beaucoup moins que de l'Irak, peut-être parce que cela nous concerne beaucoup plus directement - puisque, contrairement à l'Irak, des soldats français y sont engagés. Je veux parler de l'Afghanistan. Pourtant les nouvelles sont mauvaises et pire...
Entre tribalisme, Islam radical et monoculture des opiacés, le pays n'est certainement pas sur la voie de "la démocratie". Et les derniers événements laissent penser que la situation échappe de plus en plus aux troupes de l'OTAN dont font partie des unités françaises. On finit d'ailleurs par se demander ce que nous faisons là-bas. La situation militaire est assez mal engagée depuis que les Talibans, toujours soutenus par le Pakistan, lui-même allié des USA... ont repris du poil de la bête (ils ont d'ailleurs leur base-arrière dans la ville pakistanaise de Quetta, au Sud de la frontière afghane). Les bavures, exactions et autres cas de torture de la part de certaines troupes otanesques, notamment dans la prison de Begram, n'arrangent rien à l'affaire. Les avantages politiques, s'il y en a, iront aux Anglo-saxons. Quant aux perspectives économiques, ce sont les Indiens, les Turcs et les Russes qui, très discrètement, en tirent la meilleure part. On pourrait encore comprendre que les Français se cantonnent au Nord et à Kaboul pour apporter une aide logistique, militaire et humanitaire aux populations tadjikes, plus conciliantes, mais plus au Sud... le chaos s'installe.
Au détour d'un article du
Daily Mail du 1er octobre 2006 que je traduis ci-après, on apprend le sort épouvantable fait par les Talibans à des soldats français - le nombre n'est pas précisé, non plus que la date, mais il pourrait s'agir des deux français des "Forces spéciales" du 1er régiment parachutiste d'infanterie de marine de Bayonne (1er RPIMa) tués le 20 mai 2006 dans des circonstances sur lesquelles nos autorités sont restées très discrètes.
L'article de Mark Nicol intitulé de façon assez parlante, "La guerre d’Afghanistan ou le Vietnam des Anglais", reprend les extraits de messages adressés par les soldats anglais à leurs familles, étant entendu que ces soldats ont interdiction d'informer la presse sur l'état réel de la situation qu'ils rencontrent, sous peine de sanctions...
Soldat du 3e bataillon parachutiste britannique embusqué dans les ruines - Afghanistan, 2006 "Une moto quad traverse en cahotant le terrain désertique ravagé par la bataille, les restes de trois soldats britanniques arrimés à l'arrière, pendant qu'un hélicoptère Chinook bourdonne au-dessus. De jeunes soldats épuisés échangent sporadiquement des tirs d'armes légères avec un ennemi invisible. Une unité d'infanterie patrouille nerveusement dans un village en feu... Telles sont les images qui révèlent la réalité grinçante, funeste de l'engagement britannique en Afghanistan. Et elles ont été délivrées au monde par les troupes elles-mêmes, en colère... et assiégées.
Les images ont été prises ces derniers mois avec des appareils numériques par des hommes de troupe appartenant aux forces combattantes du 3e bataillon parachutiste. Pour la plupart, elles ont été expédiées en Angleterre par courriel en contournant les tentatives du gouvernement pour dissimuler aux regards du public la vraie nature du conflit.
Ce déploiement de troupes est ce que les Ministres, bien à l'abri dans leurs bureaux de Whitehall, qualifient de "mission de maintien de la paix". Il est de notoriété publique que John Reid, aujourd'hui Secrétaire d'Etat à l'Intérieur, avait annoncé que les Britanniques rempliraient leurs obligations militaires sans avoir besoin de tirer un seul coup de feu. La nouvelle équipe gouvernementale s'est vu déconseiller de rendre visite aux troupes, sauf visites bien cadrées d'avance.
Mais ces images exceptionnelles, appuyées par les commentaires des courriels, disent la vérité de ces combats sauvages et sanglants contre les Talibans, des escarmouches incessantes, de la pénurie de munitions et même de vivres. L'eau manque et les soldats en sont réduits à boire dans des rivières souillées. Ils mangent le pain chipé aux troupes afghanes. Les recrues sont assaillies par les mouches des sables et les scorpions et rendues fou par le stress. Ils sont attaqués par des miliciens talibans à moto qui ouvrent le feu tout en maintenant des enfants sur le guidon.
Les batailles se déroulent sur fond de villages en feu réduits en miettes par les bombardements aériens. Des combattants pris de panique ont parfois fait usage de leurs téléphones satellites pour appeler l'Angleterre et passer le message déchirant qu'ils sont sur le point de mourir. L'illustration en a été donnée dimanche dernier au
Daily Mail par des soldats affirmant que l'ennemi est en plus grand nombre, plus déterminé et mieux équipé que les politiciens veulent bien le reconnaître. Ce n'est pas, disent-ils, une mission de maintien de la paix, mais un nouveau Vietnam.
Selon un soldat qui a accepté d'accorder un entretien par courriel : "C'est un sort pire que les gens ne l'imaginent chez nous. Les politiques..., salopards de politiques ! Une véritable entreprise de dissimulation à grande échelle que de ne pas dire ce qu'il en est vraiment."
Il y aurait aussi des pressions considérables sur les troupes parachutistes pour leur interdire de parler de l'Afghanistan lorsqu'elles seront rapatriées en Grande-Bretagne ce mois-ci. "Ils essaient de nous effrayer, confirme un soldat. C'est déloyal. L'officier en chef a prétendu qu'il assomerait tous ceux qui seront reconnus avoir parler ouvertement de ça".
Hier, cependant, le Ministre de la Défense a déclaré publiquement que le témoignage des soldats serait bienvenu, alimentant du même coup le soupçon que le manteau de secret qui enveloppe jusqu'ici les opérations a été voulu par les politiciens plutôt que par les militaires.
Dans les courriels, les soldats évoquent crûment la sauvagerie des engagements qu'ils doivent dissimuler au public de retour à la maison. L'un dit : "Vous voyez les Talibans couper à travers champs sur leurs motos, les armes dans une main, leurs enfants dans l'autre. Ils pensent que nous ne tirerons pas. Il y a eu des incidents terribles. C'est horrible de tuer un enfant. Rien ne peut vous y préparer".
A la suite d'une embuscade où trois soldats britanniques ont trouvé la mort dans la ville de Musa Qalah le 1er août, un sous-officier a été contrait à des actes dramatiques pour récupérer le corps d'un soldat et essayer dans sauver un autre fait prisonnié. Un courriel en possession du journal affirme : "Ce lieu [Musa Qalah] est un trou. Le premier char a été touché par un IED [Improvised Explosive Device, une mine je suppose], puis un char de secours a été démoli : ils l'ont touché avec un RPG [Rocket Propelled Grenade, une roquette ?]. C'était un combat de guerre, pour vous dire, on avait même fixé des baïonnettes à nos armes". Les soldats ont dû utiliser une pelle pour sortir de l'épave le corps de l'un de leurs camarades. "Nous avons libérer l'écoutille pour sortir le corps alors qu'on nous tirait dessus. Le plus dur a été de lui marcher dessus pour ramasser le tout et chercher sa plaque".
L'une des victimes de l'accident était encore en vie et avait été capturée par les Talibans. Environ 100 soldats britanniques ont encerclé Musa Qalah en donnant 30 minutes aux non-Talibans pour partir. Toute personne restée sur place a été considérée comme une cible légitime - ce qui évoque à nouveau l'ombre du Vietnam. Le soldat capturé a été retrouvé mort par ses camarades. On ne sait s'il a été tué par les Talibans ou s'il est mort de ses blessures.
La nuit passée le Ministre de la Défense a déclaré qu'il "n'y avait pas meilleure illustration de l'extraordinaire engagement des soldats britanniques". La prestation de la Royal Air Force est aussi remise en question par les troupes au sol. Ceci fait suite à la plainte du major parachutiste James Loden la semaine dernière contre "l'inutilité absolue" de la RAF.
Décrivant l'échec du ravitaillement des troupes prises au piège dans un camp situé dans le village rasé de Sangin, un sous-officier parachutiste raconte : "Une zone de largage a été délimitée, sous le feu et de nuit. Sa position était parfaitement connue. L'Hercule est venu et l'a complètement manquée. Ils ont fait le largage directement au-dessus des positions des Talibans, une centaine de mètres au-delà du camp. Nous avons entendu un grand hourra des Talibans. Ça a été un grand coup pour nous. Nous attendions le largage depuis deux jours. Nous nous réjouissions quand il s'est approché, puis nous l'avons vu tomber dans les mains des Talibans".
Cela n'a pas été le seul ravitaillement a tourner méchament mal. Un autre a presque coûté la vie à des troupes canadiennes. "On nous a annoncé qu'un convoi britannique arrivait avec les munitions, donc nous attendions les véhicules. Il y avait deux gars dans l'une des positions entourrées de sacs de sable. Elle avait été pulvérisée à deux reprises par les roquettes. Ils ont entendu le grondement et ont aperçu une sorte de tank qui pointait au coin de la rue. Ils ne savaient pas ce que c'était, mais ce n'était pas britannique. Ils ne pouvaient pas voir correctement. Ils ont pensé que c'était du vieux matériel russe dont les Talibans se seraient emparés. Donc il y a deux gars qui descendent la rue en courant avec des lance-roquettes sur le point de les pulvériser, jusqu'à ce qu'un des gars remarque cette feuille d'érable sur le devant de l'un des chars. Nous avons pris la radio et avons eu une sérieuse explication sur le thème : pourquoi n'avions-nous pas été prévenus qu'ils venaient ?".
L'état moral et physique des forces britanniques fait aussi question. Le témoignage des courriels laisse entendre que les cas de soldats [ici une saine censure - inutile de saper un peu plus le moral des troupes !, - disons qu'ils sont verts de peur]... sont maintenant courants. Ils se réveillent de leurs cauchemars en hurlant et ont même fait des appels désespérés à leurs familles pendant les combats.
Une fois, les parachutistes ont été appelé au secours de troupes afghanes et de Forces spéciales françaises tombées dans une embuscade des Talibans. Transportés là par un hélicoptère Chinook, au moment d'atterrir, ils n'en croyaient par leurs yeux. Le sol était jonché des corps des soldats afghans, et de plus en plus de balles touchaient l'hélicoptère.
"Je n'arrivais pas à croire que nous allions sortir de cet hélicoptère et charger contre un mur de feu, avoue l'un." "Personne ne voulait sortir [...] Un type, raide de peur, se cramponnait à l'intérieur jusqu'à ce que nous le traînions et le tournions vers la porte."
"Nous devions tirer et manœuvrer sur 200 mètres à découvert. Le spectacle était celui d'un abattoir humain. Nous avons repoussé les Talibans mais c'était trop tard pour sauver les Français. Nous tremblions tous lorsque l'hélicoptère nous a ramené à la base. L'un des survivants afghans nous a raconté que les Français avaient été attachés, puis éviscérés vivants. C'est l'une des choses les plus horribles que j'ai jamais entendue".
Il y a eu des rumeurs contradictoires à propos de l'Armée nationale afghane. Cependant, l'un des soldats les décrit comme "terriblement durs". Ils ont continué à se battre aux côtés des Britanniques bien que des membres de leurs familles aient été tués par les Talibans.
Quelques soldats britanniques en permission ont dit à leurs familles qu'ils craignaient de mourir. Mais après les atrocités contre les Français, ils disent qu'ils préfèrent être tués que capturés.