D'aucuns jugeront sans doute qu'un pauvre petit pays de seulement 15.000 km
2 n'est pas vraiment viable. De fait, le Timor oriental est très pauvre avec un revenu par habitant de moins d'un euro par jour, dépourvu d'infrastructures et d'industrie, et dévasté par la guerre. Sa population, rurale à 75%, vit d'une agriculture vivrière, ce qui au demeurant devrait être considéré comme une fort bonne chose puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que de "développement durable". Et pourtant les Timorais, étant assis sur un tas d'or ou plus exactement de pétrole, pourraient être riches et prospères. Mais ça, c'est de l'utopie ! Car il leur faut compter avec d'encombrants voisins aux dents très, très, très longues...
A partir du XVI
e siècle et quatre-cents ans durant, Timor Est fut portugais et ne s'en porta pas trop mal. Dans les années 1960-1970, apparurent, comme un peu partout dans les vieux empires coloniaux, des mouvements autonomistes, voire indépendantistes. Mais les choses n'allèrent sans doute pas comme il aurait fallu, non pas par mauvaise volonté des Portugais, mais au contraire, par leur retrait à la suite de la Révolution des œillets de 1974. L'année suivante, les Timorais se retrouvaient subitement indépendants et tout aussi subitement ...envahis par l'armée indonésienne depuis l'ouest de l'île de Timor, qui de son côté est une ancienne colonie hollandaise et fait partie de la République d'Indonésie.
Les premières années d'occupation indonésienne vont faire 200.000 morts, le tiers de la population du Timor oriental... dans l'indifférence générale. Et pour cause : dès 1972 (!), l'Indonésie et l'Australie avaient passé un accord sur la frontière maritime au large de Timor sans se soucier le moins du monde de l'avis des Portugais ou de celui des Timorais. Il se trouve que les côtes de l'Australie sont à 500km de Timor et il se trouve aussi que la Fosse marine de Timor qui s'étend entre les deux regorge de pétrole et de gaz. Mais voilà, ce pétrole est en quasi totalité côté timorais. Qu'à celà ne tienne, l'Australie déplaçait donc sa frontière au plus près du rivage de Timor, faisant tomber les champs pétrolifères dans son escarcelle, au mépris du droit international qui fixe la zone économique exclusive d'un pays à 200 miles nautiques depuis ses côtes...
Vieille histoire ? Non pas, car depuis l'indépendance du Timor oriental en 2002, les Australiens se cramponnent au traité de 1972 et tentent d'imposer un accord bancal, au besoin par le chantage à l'aide humanitaire. Ils avaient d'abord été accueillis en libérateurs, lorsqu'après de nouveaux massacres commis sur la population par les milices indonésiennes en 1999, l'armée australienne a assuré la mission onusienne d'interposition. Les troubles survenus à Timor en 2006 justifient qu'elle y demeure au titre du maintien de la paix. Mais l'humanitarisme des Australiens se révèle pour le moins intéressé.
Pour résoudre leur différend maritime, les autorités timoraises avaient dans un premier temps envisagé d’en appeler à la Cour Internationale de Justice de La Haye, comme le font les pays sages, mais ont finalement dû renoncer face aux menaces de rétorsions économiques... Le jour même de la proclamation d'indépendance, les Australiens faisaient signer au président tout juste élu, Xanana Gusmão un petit traité qui leur accordait 80% du champ principal. Les négociations ultérieures ont ramené ce partage à 50/50 fin 2005 et il s'est bientôt avéré que le gouvernement du premier ministre Mari Bim Amude Alkatiri entendait attribuer les concessions de champs pétrolifères à des compagnies européennes plutôt qu'à la ConocoPhillips (US), à la Philipps Petroleum (US) et à la Woodside Australian Energy.
Comme par hasard, le printemps suivant a été agité : aussitôt diffusé le résultat de la mise en concurrence des pétroliers, une révolte armée éclate dans la capitale, Dili, pendant que l'Australie fait manœuvrer sa marine de guerre dans les eaux de Timor, le tout forçant Alkatiri à la démission. En apparence, la rebellion du commandant Alfredo Reinaldo et de 600 soldats à sa suite en avril 2006 n'a pas de rapport direct avec l'affaire. Dans la réalité, il semblerait que lui et ses hommes aient un point commun : ils ont tous été entraînés en Australie... Et voilà Timor doté d'un nouveau mouvement de guérilla, ce qui justifie le maintien sur place des troupes australiennes. CQFD.
Cependant, la résolution des questions territoriales étant remise à plus tard, reste à exploiter au mieux cette obscure richesse enfouie au large de Timor, ce pour quoi a été créée en 2003 par traité bilatéral une autorité de régulation basée à Dili, la Timor Sea Designated Authority, cf.
www.timorseada.org/index.html. On en attend donc les retombées pour la population de ce petit pays (je ne parle pas de marées noires !). Et, ma foi, connaissant les qualités de certains de ses dirigeants, il se pourrait que, malgré les obstacles et les convoitises, la TSDA fasse du bon travail.
Timor oriental : plage du dollar
Mais pour finir, un extrait d'un entretien avec Eric Toussaint, président du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (
sic), trouvé ici :
http://www.cadtm.org, qui éclaire le rôle douteux du FMI et de la Banque Mondiale :
"Quelle est l’attitude du gouvernement par rapport à la problématique de la dette ?
Le nouvel Etat est né sans dettes et le gouvernement a pris la sage décision de refuser d’emprunter. Pour la reconstruction du pays, il n’accepte de la communauté internationale que des dons. La Banque mondiale qui avait débarqué
avec un plan d’endettement, a dû adopter une nouvelle stratégie pour arriver à convaincre les autorités d’appliquer le Consensus de Washington. Elle a réussi à s’imposer comme l’institution qui coordonne la majeure partie des dons provenant de la communauté internationale. Elle signe des contrats avec les autorités locales et à travers ces contrats, elle distille la politique néo-libérale :
abandon des barrières douanières (au détriment des agriculteurs locaux notamment dans la production du riz), imposition d’une politique de recouvrement des coûts (droit d’inscription élevé dans l’enseignement supérieur et universitaire, soins de santé payants), privatisation de la gestion du secteur électricité et installation de compteurs électriques à pré-paiement…
J’ai pu me rendre compte par ailleurs d’un phénomène très grave : une partie marginale de chaque don (de 10 à 20% seulement) atteint réellement l’économie locale.
La majeure partie des sommes représentées par les dons est dépensée à l’extérieur du Timor, soit sous la forme de rémunérations des experts étrangers, soit en achats de biens et de services sur les marchés internationaux. La Banque mondiale réussit à imposer le recours à des consultants internationaux (certains provenant directement de la Banque mondiale) dont les honoraires représentent 15 à 30% des dons. La Banque mondiale prélève elle-même 2% sur chaque don qu’elle gère. L’inégalité des rémunérations est particulièrement frappante. Un expert international reçoit une rémunération de 500 dollars par jour (à quoi il faut ajouter la prise en charge de tous ses frais sur place) tandis que le travailleur timorais moyen perçoit de 3 à 5 dollars par jour. La représentante de la Banque mondiale, quant à elle, gagne environ 15.000 dollars par mois. Et son collègue du FMI qui en gagne autant, s’oppose activement à l’adoption par le parlement d’une loi fixant un salaire minimum légal. Il n’a pas hésité à me déclarer lors d’une entrevue qu’
un salaire de 3 à 5 dollars par jour était
beaucoup trop élevé.
[...] Au Timor, beaucoup de personnes sincèrement engagées dans la reconstruction du pays sont très inquiètes de l’influence prise par la Banque mondiale. Ils ont l’impression que leur gouvernement lui-même commence à se laisser influencer par le credo néolibéral et ils se demandent comment redresser la barre."
Voir aussi :
http://www.waynemadsenreport.com http://www.timor-online.blogspot.com http://www.recherches-sur-le-terrorisme.com/Analysesterrorisme/guerre-petrole.html http://www.recherches-sur-le-terrorisme.com/Documentsterrorisme/timor-oriental-australie.html