17 décembre 2007
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Où l'on reparle des services secrets ouzbeks...
Baignée par le Syr Daria, la fertile vallée de Ferghana, au cœur de l'Asie centrale, est depuis quelques années le théâtre de grandes manœuvres, comme le rappelle l'article du Monde, qui suit. Mais c'est surtout la photo qui m'a plu. Située pour l'essentiel en Ouzbékistan, la vallée déborde sur le Tadjikistan et la Kirghizie, d'où l'entrée en scène de la cavalerie kirghize.
La chevauchée fantastique :
Baignée par le Syr Daria, la fertile vallée de Ferghana, au cœur de l'Asie centrale, est depuis quelques années le théâtre de grandes manœuvres, comme le rappelle l'article du Monde, qui suit. Mais c'est surtout la photo qui m'a plu. Située pour l'essentiel en Ouzbékistan, la vallée déborde sur le Tadjikistan et la Kirghizie, d'où l'entrée en scène de la cavalerie kirghize.

Cavaliers kirghizes et forces russes antiterroristes
lors de manœuvres communes dans la vallée du Ferghana (octobre 2006)
Dans la vallée du Ferghana, les islamistes du Hizb ut-Tahir rêvent d'un califat mondial
OCH (sud du Kirghizstan), de notre envoyé spécial
On dit qu'ils seraient des milliers dans la vallée du Ferghana à agir en petites cellules autonomes, au fonctionnement quasi militaire, cherchant à attirer de nouveaux adeptes par la distribution sous le manteau de textes de propagande. On raconte beaucoup de choses sur le Hizb ut-Tahir (Parti de la libération). On en sait peu. Se concevant comme un parti politique, cette organisation islamiste clandestine, également présente au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est, est honnie par le régime ouzbek d'Islam Karimov. Elle est entourée d'un halo de mystère, entretenu par ses membres, d'autant plus nécessaire que, depuis les massacres d'Andijan, en mai 2005, dans la partie ouzbèke de la vallée du Ferghana, les répressions se sont intensifiées contre les activistes islamistes, réels ou supposés.
Pour trouver la piste de cette organisation, il faut quitter Och, la grande ville du sud du Kirghizstan, doubler les ânes et les charrettes le long des routes cahoteuses, rouler une vingtaine de kilomètres et entrer dans Kara-Sou. Le poste-frontière avec l'Ouzbékistan est visible. Il faut alors s'engager dans une petite ruelle et sonner à la porte d'une maison sans prétention.
Des pieds en chaussons traînent sur le béton de la cour intérieure. Ayoub Khan Machrapov, 33 ans, d'origine ouzbèke, apparaît dans l'encadrement de la porte. Fines lunettes et casquette en cuir comme un révolutionnaire bolchevique, il est en fait l'un des membres éminents du Hizb ut-Tahir dans la région. Assis sur les tapis de son salon non chauffé, il répond sur un ton tantôt jovial, tantôt agressif.
L'objectif de l'organisation, selon lui, se résume en un mot : le califat, soit l'Etat islamique des origines, où doit régner la charia (loi islamique). " C'est un système idéologique mondial, récite-t-il. On ne veut rien construire dans le seul Kirghizstan, ou en Asie centrale, mais au-delà. Le problème de la démocratie, qui ne parvient pas à assurer la paix dans le monde, n'est pas le nôtre, c'est le vôtre. Nous n'aurons même pas à prendre le pouvoir, on nous le donnera. Ne croyez pas que la mer est calme. Il y a de puissants courants sous-marins. "
Membre du Hizb ut-Tahir " depuis une douzaine d'années ", vendeur sur le marché, Ayoub Khan Machrapov rejette les accusations de terrorisme formulées contre l'organisation par les régimes kirghiz et ouzbek. " Depuis plus de cinquante ans, personne n'a jamais pu démontrer que nous utilisions la violence, car nous n'en avons pas besoin, lance-t-il. Seul l'homme faible y recourt car il ne sait rien faire d'autre, dépourvu d'une idéologie saine. "
L'avocat Salidjan Maïtov, qui dirige une association d'aide aux réfugiés ouzbeks à Och, ne partage pas cette opinion. " Ces radicaux ont une grande influence dans la région, dit-il. On peut les qualifier de terroristes car ils refusent toute voie démocratique et prônent un califat imposé à tous. Les imams considèrent ici que c'est s'écarter de l'islam traditionnel. "
Sous le toit ondulé d'une autre maison de Kara-Sou se trouve un imam faisant preuve d'une plus grande mansuétude à l'égard du Hizb ut-Tahir. Depuis l'an passé, Rachatkhan, 29 ans, est la principale autorité spirituelle de la ville. Le 6 août 2006, son père et prédécesseur Rafic Kori Kamoloudine a été tué avec deux autres hommes au cours d'un raid conjoint des services ouzbeks et kirghizes. Il accueillait à la mosquée des activistes du Hizb ut-Tahir. Pour les autorités, il appartenait donc à l'organisation " terroriste ".
Coran sur la table, portable en main, survêtement Adidas sous un vêtement traditionnel, Rachatkhan réfute appartenir au mouvement. " Je ne peux pas suivre quelqu'un, puisque c'est moi qui conduis les croyants. Et puis les membres du Hizb ut-Tahir ne nient jamais leur engagement, même lorsqu'ils sont interrogés par les services ouzbeks. " Pour lui aussi, l'objectif politique majeur n'est pas le simple renversement d'Islam Karimov en Ouzbékistan, mais " l'instauration d'un califat dans toute la région, comme tous les vrais musulmans ", clame-t-il.
Ouzbékistan, Kirghizstan : deux voisins à la trajectoire politique très dissemblable, mais étroitement liés dans la lutte contre les organisations islamistes. Au sud du Kirghizstan, les services ouzbeks se sentent chez eux depuis longtemps. Si besoin, leurs homologues locaux leur fournissent parfois les adresses des activistes. " La frontière est totalement inexistante. Il suffit aux Ouzbeks d'obtenir une autorisation du procureur kirghize, quand ils s'en donnent la peine, explique Toursounbai Bakiruulou, médiateur pour les droits de l'homme. Lorsque j'étais député, de 1995 à 2002, dit-il, j'avais dénoncé en vain les accords qui permettaient aux services ouzbeks de conduire leurs opérations antiterroristes sur notre territoire. " Selon lui, entre 15 et 20 personnes sont enlevées chaque année par les Ouzbeks, qui les condamnent ensuite à des lourdes peines pour agissements contre l'Etat ou terrorisme.
Qui n'a pas de cheval n'a pas de pieds, dit un proverbe kirghize.
lors de manœuvres communes dans la vallée du Ferghana (octobre 2006)
Dans la vallée du Ferghana, les islamistes du Hizb ut-Tahir rêvent d'un califat mondial
OCH (sud du Kirghizstan), de notre envoyé spécial
On dit qu'ils seraient des milliers dans la vallée du Ferghana à agir en petites cellules autonomes, au fonctionnement quasi militaire, cherchant à attirer de nouveaux adeptes par la distribution sous le manteau de textes de propagande. On raconte beaucoup de choses sur le Hizb ut-Tahir (Parti de la libération). On en sait peu. Se concevant comme un parti politique, cette organisation islamiste clandestine, également présente au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est, est honnie par le régime ouzbek d'Islam Karimov. Elle est entourée d'un halo de mystère, entretenu par ses membres, d'autant plus nécessaire que, depuis les massacres d'Andijan, en mai 2005, dans la partie ouzbèke de la vallée du Ferghana, les répressions se sont intensifiées contre les activistes islamistes, réels ou supposés.
Pour trouver la piste de cette organisation, il faut quitter Och, la grande ville du sud du Kirghizstan, doubler les ânes et les charrettes le long des routes cahoteuses, rouler une vingtaine de kilomètres et entrer dans Kara-Sou. Le poste-frontière avec l'Ouzbékistan est visible. Il faut alors s'engager dans une petite ruelle et sonner à la porte d'une maison sans prétention.
Des pieds en chaussons traînent sur le béton de la cour intérieure. Ayoub Khan Machrapov, 33 ans, d'origine ouzbèke, apparaît dans l'encadrement de la porte. Fines lunettes et casquette en cuir comme un révolutionnaire bolchevique, il est en fait l'un des membres éminents du Hizb ut-Tahir dans la région. Assis sur les tapis de son salon non chauffé, il répond sur un ton tantôt jovial, tantôt agressif.
L'objectif de l'organisation, selon lui, se résume en un mot : le califat, soit l'Etat islamique des origines, où doit régner la charia (loi islamique). " C'est un système idéologique mondial, récite-t-il. On ne veut rien construire dans le seul Kirghizstan, ou en Asie centrale, mais au-delà. Le problème de la démocratie, qui ne parvient pas à assurer la paix dans le monde, n'est pas le nôtre, c'est le vôtre. Nous n'aurons même pas à prendre le pouvoir, on nous le donnera. Ne croyez pas que la mer est calme. Il y a de puissants courants sous-marins. "
Membre du Hizb ut-Tahir " depuis une douzaine d'années ", vendeur sur le marché, Ayoub Khan Machrapov rejette les accusations de terrorisme formulées contre l'organisation par les régimes kirghiz et ouzbek. " Depuis plus de cinquante ans, personne n'a jamais pu démontrer que nous utilisions la violence, car nous n'en avons pas besoin, lance-t-il. Seul l'homme faible y recourt car il ne sait rien faire d'autre, dépourvu d'une idéologie saine. "
L'avocat Salidjan Maïtov, qui dirige une association d'aide aux réfugiés ouzbeks à Och, ne partage pas cette opinion. " Ces radicaux ont une grande influence dans la région, dit-il. On peut les qualifier de terroristes car ils refusent toute voie démocratique et prônent un califat imposé à tous. Les imams considèrent ici que c'est s'écarter de l'islam traditionnel. "
Sous le toit ondulé d'une autre maison de Kara-Sou se trouve un imam faisant preuve d'une plus grande mansuétude à l'égard du Hizb ut-Tahir. Depuis l'an passé, Rachatkhan, 29 ans, est la principale autorité spirituelle de la ville. Le 6 août 2006, son père et prédécesseur Rafic Kori Kamoloudine a été tué avec deux autres hommes au cours d'un raid conjoint des services ouzbeks et kirghizes. Il accueillait à la mosquée des activistes du Hizb ut-Tahir. Pour les autorités, il appartenait donc à l'organisation " terroriste ".
Coran sur la table, portable en main, survêtement Adidas sous un vêtement traditionnel, Rachatkhan réfute appartenir au mouvement. " Je ne peux pas suivre quelqu'un, puisque c'est moi qui conduis les croyants. Et puis les membres du Hizb ut-Tahir ne nient jamais leur engagement, même lorsqu'ils sont interrogés par les services ouzbeks. " Pour lui aussi, l'objectif politique majeur n'est pas le simple renversement d'Islam Karimov en Ouzbékistan, mais " l'instauration d'un califat dans toute la région, comme tous les vrais musulmans ", clame-t-il.
Ouzbékistan, Kirghizstan : deux voisins à la trajectoire politique très dissemblable, mais étroitement liés dans la lutte contre les organisations islamistes. Au sud du Kirghizstan, les services ouzbeks se sentent chez eux depuis longtemps. Si besoin, leurs homologues locaux leur fournissent parfois les adresses des activistes. " La frontière est totalement inexistante. Il suffit aux Ouzbeks d'obtenir une autorisation du procureur kirghize, quand ils s'en donnent la peine, explique Toursounbai Bakiruulou, médiateur pour les droits de l'homme. Lorsque j'étais député, de 1995 à 2002, dit-il, j'avais dénoncé en vain les accords qui permettaient aux services ouzbeks de conduire leurs opérations antiterroristes sur notre territoire. " Selon lui, entre 15 et 20 personnes sont enlevées chaque année par les Ouzbeks, qui les condamnent ensuite à des lourdes peines pour agissements contre l'Etat ou terrorisme.
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On se demande bien de quel côté sont les Américains...Qui n'a pas de cheval n'a pas de pieds, dit un proverbe kirghize.