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  • : Géopolis
  • : Géopolis est consacré à la géopolitique et à la géostratégie : comprendre la politique internationale et en prévoir les évolutions, les conflits présents et à venir, tel est le propos, rien moins !
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Géopolis

Par ces temps troublés, l'actualité géopolitique inquiète et déconcerte. Les clefs nous manquent souvent pour en appréhender les facteurs d'évolution décisifs. Et en cette matière, les médias communs informent à peu près aussi mal qu'ils sont mal informés. On nous parle beaucoup de "mondialisation", mais la compréhension des désordres mondiaux n'en paraît pas tellement meilleure et les désordres eux-mêmes persistent, redoublent même... Bien sûr, Géopolis n'a pas la prétention de tout savoir et de tout expliquer. Nous tenterons simplement ici avec ceux qui voudront bien nous rejoindre de contribuer à la réflexion, d'éclairer certaines questions d'actualité en apportant des informations passées inaperçues ou des témoignages de première main, et aussi de prendre un peu de distance pour ne pas trop nous laisser impressionner par l'impact immédiat des événements. A qui s'adresse Géopolis ? A nous tous, simples citoyens, parce qu'en nos pays réputés démocratiques, nous sommes à l'origine de choix cruciaux : par le vote, c'est nous qui portons au pouvoir des hommes dont les décisions (ou les indécisions) feront le monde de demain, les guerres, la vie et la mort des pays et des peuples... C'est bien sérieux tout ça ! - Oui, le sujet est sérieux, mais les manières de l'aborder peuvent ne pas l'être toujours. Il sera donc aussi question de traités d'art militaire, de la formation des chefs d'Etat, de romans d'espionnage ou de cinéma...

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28 décembre 2006 4 28 /12 /décembre /2006 12:25
21 décembre 2006
Saparmourad Niazov est mort. Faut-il le regretter ?

La question peut paraître incongrue et provoquante, s'agissant d'un dictateur dont le portrait figurerait en bonne place dans la galerie des furieux. Il avait pourtant de chauds partisans en France, comme le rappelait une semaine avant sa mort le très inspiré magazine La Vie (n° 3198, 14 décembre 2006, p. 38-42 : "France-Turkménistan : une amitié en béton", sous la plume d'Anne Guion). Cf. www.anneguion.zaup.org/spip.php?article278


Parmi les amis intimes de Monsieur Niazov, président à vie du Turkménistan, chef du gouvernement, commandant suprême de l'armée, président du Parti démocratique (le seul autorisé) et autoproclamé Grand Turkmenbachi ou "Père de tous les Turkmènes", se trouve en effet en bonne place l'entrepreneur français Martin Bouygues, héritier du groupe de travaux publics du même nom. Non seulement Monsieur Bouygues avait l'habitude de se rendre au Turkménistan chaque année, à l'occasion de l'anniversaire du Turkmenbachi, mais surtout il était étroitement associé à ses délires mégalomanes. Car l'entreprise française est devenue "le constructeur attitré des monuments à la gloire du dictateur" : le palais présidentiel (pour 62 millions d'euros), la banque centrale, la mosquée de Kiptchak, village natal de Niazov, qui est aujourd'hui la plus grande mosquée d'Asie centrale... la Maison de la presse d'Achkabad, la capitale (13 millions d'euros), et prochainement, le bâtiment du Conseil du peuple (70 millions d'euros). Rien qu'en 2004, le groupe Bouygues a réalisé 87 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le pays. On comprend tout l'intérêt de cette amitié...

D'ailleurs, les hommes politiques français ne sont pas en reste et se font volontiers les VRP du groupe, à commencer par feu le président François Mitterand qui, dans les années 1993-1994, fit le voyage d'Achkabad et reçut en cadeau du Grand Turkmenbachi un de ces superbes chevaux Akhal Téké qui font l'orgueil des Turkmènes. Aymeri de Montesquiou, sénateur du Gers, a pris la relève pour le compte de Jean-Pierre Raffarin lorsque ce dernier était premier ministre. Les propos de notre démocratique sénateur valent d'être cités : "Il m'est arrivé de prendre un café sur une terrasse [de la capitale] : personne n'est venu me voir pour se plaindre de la dureté du régime !" Quand la liberté se mesure à un café... Bref, RAS. Et Martin Bouygues de renchérir : "Les Turkmènes ont [grâce à nous] l'occasion de rencontrer des étrangers qui vivent différemment. Ils peuvent ainsi remettre en question leurs propres conditions de vie..." Ben, voyons ! Et, pour peu que le nouveau chef de l'Etat turkmène ait des projets aussi délirants que son prédécesseur, le défilé des politiques français au Turkménistan n'est sans doute pas fini puisque Monsieur Bouygues est aussi un ami intime de Nicolas Sarkozy et le parrain d'un de ses fils.

Alors, Realpolitik oblige ? Il est vrai que dans le Grand Jeu de l'Asie centrale, chacun pousse ses pions. Russes, Chinois, Européens ou Américains ne se font pas prier pour faire la même chose. Le Turkménistan est riche de son pétrole et surtout de son gaz à l'heure où les ressources énergétiques tendent à se raréfier et où les besoins des pays industriels ne cessent de croître. Mais tout de même... Les liens privilégiés de Bouygues avec le président turkmène ne garantissent en rien l'approvisionnement en gaz des Français, qui de toutes façons passe par la Russie. Ils garantissent seulement l'enrichissement personnel de Martin Bouygues et la valorisation boursière de son groupe industriel, qui reste un groupe privé. Et puis il y a quand même peut-être des limites ! Comme fêter l'inauguration d'une Maison de la Presse le 14 octobre dernier, un mois après la mort sous la torture de la journaliste Ogoulsapar Mouradova, droguée, rouée de coups et étranglée dans une prison d'Achkabad...

Bien sûr, vues de loin, les excentricités de Saparmourad Niazov font plutôt rire : faire du jour de son anniversaire la fête nationale du pays, rebaptiser les mois et les jours de la semaine à sa gloire, et le pain, base de l'alimentation turkmène, du nom de sa mère, fermer les bibliothèques publiques et les hôpitaux, interdire le ballet, l'opéra et le cirque, placer des statues de lui partout dont une, plaquée-or, qui pivote avec le soleil en plein cœur d'Achkabad, élever un palais de glace en plein désert du Karakorum (la température y atteint les 50°C) pour que les enfants turkmènes apprennent à faire du ski et un zoo pour abriter... des pingoins ! Mais la folie est parfois moins folle qu'il y paraît comme lorsque le Turkmenbachi a supprimé toutes les pensions et retraites de ses concitoyens au prétexte que les Turkmènes s'occupent de leurs vieux parents et qu'ils n'ont donc pas besoin de retraite... N'est-ce pas là une façon d'accaparer un peu plus la richesse du pays au profit de ses grands projets de construction (cf. Bouygues) et de réduire d'autant la redistribution des bénéfices de l'exportation du pétrole et du gaz. Quand on sait que 60% de la population turkmène vit dans le dénuement (en-dessous du seuil de pauvreté, nous dit-on)... De même, l'interdiction des dents en or qui remplacent si souvent en Asie les dents gâtées : l'or des dents n'a certainement pas été perdu pour tout le monde !

Mais la contribution la plus notable de Saparmourad Niazov au bien-être de son peuple aura sans doute été le Ruhnama, à la fois épopée nationale turkmène revue et corrigée et guide spirituel de la nation, écrit par lui-même. Mélangeant préceptes du Coran, envolées lyriques et maximes maoistes, cette sorte de petit livre rouge-vert, est devenu la base de l'enseignement au Turkménistan, depuis l'école primaire jusqu'à l'université comprise. C'est dire le niveau ! Remplacer par des slogans idiots cette base de tout enseignement de qualité qu'est la lecture des bons auteurs, on n'a encore pas trouvé mieux pour endoctriner les enfants. Mais il faut bien reconnaître qu'en ce domaine la France n'est pas exemplaire non plus. L'Education nationale n'a-t-elle pas depuis 30 ans imposé une méthode de lecture dite globale ou semi-globale, qui laisse les enfants français semi-analphabètes ? N'a-t-elle pas privilégié les cours "civiques" suivant les modes politiques du moment, au détriment des enseignements traditionnels ? Et ne considère-t-elle pas aujourd'hui qu'il ne faut pas donner à lire les auteurs classiques avant le lycée ? Au collège, fini Balzac, Flaubert, Racine et Corneille. A la place, on est prié de lire Le gône du Chaâba, dont l'auteur est... ministre du présent gouvernement, tout simplement ! Il semble que le narrateur y raconte en langage argotique ses expériences de sodomie sur une fillette... Je crois que je préfère encore le Ruhnama !

Toujours est-il que nos hommes politiques et nos grandes consciences intellectuelles, si prompts à s'indigner des atteintes aux droits de l'homme lorsqu'il s'agit de la Tchétchénie ou du Darfour, sont restés bien silencieux sur les exactions du dictateur turkmène... Comme le remarque ironiquement un politologue russe : "dans leurs premières réactions [à la mort de Niazov], l'Union européenne et les autres champions de la démocratie évoquent plus souvent la nécessité de la stabilité et du changement constitutionnel du pouvoir que la nécessité de la démocratie" (RIA Novosti).

Achkabad, Arche de la Neutralité, avec à son sommet
une statue tournesol de Niazov

Et en prime, bien que je n'aie pas trouvé de photo de Gendjim, le cadeau princier de Mitterand, voici le portrait d'un autre Akhal Téké :

Sardar, par Bogdan Willewalde, 1882

Post scriptum :
Ma foi, si le prochain président du Turkménistan veut m'offrir un Akhal Téké, ce ne sera pas de refus. Je ne peux pas lui proposer de maisons Bouygues en échange, mais je fais très bien les cabanes pour petits oiseaux, en brindilles recouvertes de mousse, tout à fait charmant. Et je peux même écrire un poème en son honneur. Tenez, j'ai déjà les premiers vers :

Ô suprêmissime Turkmène,
Lumière de la démocratie...
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commentaires

A
Alors comme ça, dans "Le gône du chaaba", Azouz Beggag raconte en argot ses expériences de sodomie sur une fillette? Et donc, on le fait étudier en CM2... Même si vous ne l'avez pas lu peut-être consentirez vous à réfléchir un peu avant d'écrire n'importe quoi. Je ne connais pas votre blog mais si toutes vos infos sont du même tonneau, je crois que je ne vais pas y perdre mon temps.
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M
<br /> <br /> Eh bien, dites-nous ce qu'il raconte d'autre, alors. Ses relations avec les prostituées ?<br /> Sûr que c'est un excellent programme éducatif !<br /> <br /> Extraits :<br /> <br /> « A la hauteur du petit chemin qui part du Chaâba pour rejoindre le boulevard, trois putains travaillent à l'abri des platanes. Elles attendent là des journées entières, debout sur le trottoir,<br /> vêtues de shorts ou de minijupes qui découvrent des jambes interminables, gantées de soie.<br /> <br /> [...] Sur le trottoir, le commerce du bonheur éphémère va bon train. Deux putes travaillent à l'intérieur des voitures, tandis que les mâles qui attendent leur tour trépignent d'impatience dans<br /> leur véhicule.<br /> <br /> [...]Pince-moi, s'écrie Saïda, tout heureuse.<br /> Je la pince sur les fesses. (Elle veut partir.)<br /> - Non, attends, regarde. T'as déjà vu une zénana coupée ? Tu veux voir la mienne ?<br /> - Non, c'est dégueulasse.<br /> Après avoir défait ma braguette, je sors mon outil et le dévoile sous toutes ses coutures.<br /> - T'as vu qu'c'est pas sale ?<br /> - Ouis, j'ai vu.<br /> - Et si on s'enculait comme les grands ?<br /> - D'accord, mais si ma mère nous voit ?<br /> Je la rassure :<br /> - Elle n'est pas là, ta mère. Enlève ta culotte.<br /> Après quelques secondes d'hésitation, elle s'exécute.<br /> Je m'approche d'elle, ma zénana entre les doigts. Saïda s'assied sur les fesses, entr'ouvre ses jambes pour m'offrir son intimité.Je dépose délicatement mon marteau sur son enclume et j'attends<br /> que les choses se fassent.<br /> - Alors, qu'est-ce qu'il faut faire?<br /> - Rien, on s'encule, et c'est tout.<br /> Hacène intervient après avoir sagement suivi la leçon.<br /> - Moi aussi, j'veux enculer !<br /> Il dégaine à son tour et m'imite.<br /> Au bout d'un instant, content d'avoir lui aussi enculé, Hacène remonte son pantalon.<br /> (La mère de Saïda l'appelle.)<br /> La fille crie aussitôt :<br /> - C'est ma mère!<br /> Elle enfile sa culotte, et supplie une ultime fois :<br /> - Vous rapporterez rien, hein !<br /> - Non, non, n'aie pas peur...dis-je en même temps qu' Hacène.<br /> Dès le lendemain, tous les gones du Chaâba savaient que Saïda s'était fait enculer. »<br /> <br /> <br /> <br />
M
Moi, je trouve que ça fait très bien, une femme à cheval (presque) sur les pavés parisiens.. Et puis quoi de plus beau qu'une charge de policiers à cheval, un soir d'hiver, place de la concorde, avec la douce lumière d'un autobus en flamme...
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D
Chère Mélusine,<br /> <br /> Serais-tu donc prête à vendre ton âme pour un cheval ? En effet, Akhal Téké ou pas, un despote oriental reste un despote oriental ! Nous vivons décidément des temps renversants. Alors que le roi Richard III (celui de Shakespeare en tout cas) était prêt à échanger son royaume contre un destrier (A horse ! a horse ! my kingdom for a horse !) indispensable - il est vrai - sur un champ de bataille, la plus blogueuse (je n'ai pas dis blagueuse) de nos fées, est elle, prête à déclamer un panégyrique à la "Lumière des Turkmènes" contre un fier coursier, dont on se demande bien ce qu'il ferait sur le pavé parisien ?<br /> Enfin, une passion équine cela ne se commande pas !<br />
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M
C'est amusant que tu cites Shakespeare, parce qu'au début je l'avais justement en tête - "My kingdom for a horse", je n'en suis pas encore réduite à cette extrémité, mais... - et puis au moment de rédiger, ça a disparu, et mon royaume avec !Au fait : Bonne Année !
M
Tu dis :  "sont restés bien silencieux sur les exactions du dictateur turkmène", mais mis à part le cas d'une malheureuse journaliste, qu'a-t-il comme "exactions" à son passif ?En fait à la lecture de ton article, il m'apparaît comme une sorte de Louis II de Bavière turkmène...  Très illuminé, mais pas très méchant...
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M
Je pensais surtout aux effets des lubies du personnage sur la population : outre la fermeture des bibliothèques et des hôpitaux, on peut aussi citer les expulsions soudaines et sans indémnisation des habitants de terrains réquisitionnés pour ses grands projets, le harcèlement des personnes réticentes à son culte, les emprisonnements arbitraires et au secret, la discrimination de la minorité ouzbèke, les persécutions contre les écrivains. De là à le comparer au dictateur nord-coréen comme on le fait dans la presse, c'est sans doute très exagéré.Et puis l'attitude du bonhomme vis-à-vis d'une chanteuse populaire turque qu'il trouvait à son goût et se proposait de garder pour lui (et hop : au harem !), à la grande frayeur de la belle - la délégation officielle dont elle faisait partie a dû la rapatrier dare-dare en Turquie, - laisse entendre qu'il ne devait pas trop se gêner avec les jolies turkmènes...Mais il est vrai que la plupart des cas d'emprisonnement nommément cités par Amnesty se rapportent soit à des journalistes de Radio Liberty, un organe de propagande directement affilié à la CIA, soit... à des Témoins de Jéhovah et des membres de la secte Hari Krishna dont on se demande bien ce qu'ils f... là !Les Russes lui trouvaient un autre avantage : il serrait la vis aux islamistes. Alors disons que si son successeur peut continuer dans cette voie, mais en un peu moins dingo et un peu plus soucieux du bien-être de la population, s'il cesse de déverser ses millions sur des sales types comme le nommé Patrick Le Lay, président de TF1 ("Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible")... et surtout s'il me donne un Akhal Téké, je suis même prête à en dire du bien !