26 août 2007
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Le Nigéria, pays le plus peuplé d'Afrique et potentiellement le plus riche, ne connait que dictature et corruption depuis son indépendance en 1960. Un pays de misère, malgré les 2,5 millions de barrils / jour exportés vers l'Europe et les USA. Malgré... ou peut-être à cause d'eux. L'or noir, comme l'or du Rhin, est une malédiction. Voir déjà ici : http://geopolis.over-blog.net/article-6478787.html
Mais voici qu'un vent de révolte souffle sur le delta du Niger... Depuis une trentaine d'années, ce fleuve magnifique, dont des millions de pêcheurs des diverses ethnies du delta tirent leur maigre pitance, est souillé presque chaque jour par le pétrole brut qui fuit des forages de Shell, Total et compagnie. Une catastrophe écologique et humaine qui ajoute encore à la misère locale. Mais pendant longtemps, il n'y eut guère de réaction organisée chez ces populations analphabêtes, occupées à survivre, tant bien que mal, et souvent mal, et à se battre entre elles. L'événement déclencheur fut sans doute en 1995 la mort de l'écrivain pacifiste Ken Saro-Wiwa, fondateur du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (MOSOP). La mort, ou plus exactement l'exécution par les autorités nigérianes, mais très vraisemblablement sur ordre de Shell, d'un homme dont le tort était de protester contre la dévastation du pays, la marginalisation politique de son peuple et son étranglement économique.
Devant l'échec d'une protestation pacifique, la révolte armée est devenue pour beaucoup des habitants des rives du delta le dernier recours après Dieu. D'abord dérisoire, éparpillée et dépourvue d'une claire conscience politique, elle a pris une autre tournure en janvier 2006 avec l'entrée en scène du MEND (Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger). Né au sein du peuple des Ijaws, organisé par une nouvelle génération de jeunes diplômés, ce mouvement s'est spécialisé dans les attaques surprises des installations pétrolifères et la prise en otage des expatriés qui y travaillent, et que le MEND libère volontiers contre rançon. De sabotages de pipelines en assauts de plateformes off-shore, il a réussi en un an à faire chuter la production de pétrole du Nigéria de 25%...
Rapides grâce aux zodiacs à partir desquels ils opèrent sur le fleuve, soutenus par la population, ils sont bien mieux armés que l'armée nigériane avec leurs AK-47 neufs, leurs mitrailleuses UK-68S et leurs colliers de cartouches. Et surtout, leurs amulettes et la protection d'Egbesu, le dieu de la guerre ijaw, les rendent intrépides. Voilà, ça s'appelle de l'animisme chrétien et c'est à l'épreuve des balles ! : "les jeunes Ijaws se disent fervents catholiques, mais préservent jalousement les traditions d’une sorte de garde secrète, soumise à une discipline féroce et à une stricte chasteté, à laquelle la population prête des pouvoirs surnaturels, comme celui d’être invulnérable aux balles". Un ethnologue d'ajouter : "L'esprit prend possession d'eux quand ils vont au combat. Ils ne craignent pas les mêmes choses que vous et moi".
Dans cet amalgame explosif de tradition et de modernité, les Ijaws ne perdent pas le Nord. Selon un avocat proche du MEND et des milices, spécialisé dans les droits civiques et les affaires de pollution, quelque 20.000 personnes (sur six à huit millions d’Ijaws) auraient déjà participé à des stages de formation paramilitaire de six mois qui sont dispensés dans de petits camps cachés dans des endroits difficiles d’accès du delta. La lutte contre les multinationales prédatrices ne fait que commencer. Et en plus, hé hé, il paraît que les Ijaws sont un peu cannibales...
Voir aussi les articles de Joëlle Stolz de février 1999 sur l'histoire récente du Nigéria et ses fractures :
http://www.monde-diplomatique.fr/1999/02/STOLZ/11638.html
http://www.monde-diplomatique.fr/1999/02/STOLZ/11639
Un grand article illustré sur le MEND par Tom O'Neill dans le National Geographic :
http://www7.nationalgeographic.com/ngm/0702/feature3/index.html
Et un autre de Sebastian Junge dans The Observer, repris par Courrier International, n° 877 (août 2007), p. 40-42 : "Chaos au Nigéria : La guerre du pétrole a commencé".
Mais voici qu'un vent de révolte souffle sur le delta du Niger... Depuis une trentaine d'années, ce fleuve magnifique, dont des millions de pêcheurs des diverses ethnies du delta tirent leur maigre pitance, est souillé presque chaque jour par le pétrole brut qui fuit des forages de Shell, Total et compagnie. Une catastrophe écologique et humaine qui ajoute encore à la misère locale. Mais pendant longtemps, il n'y eut guère de réaction organisée chez ces populations analphabêtes, occupées à survivre, tant bien que mal, et souvent mal, et à se battre entre elles. L'événement déclencheur fut sans doute en 1995 la mort de l'écrivain pacifiste Ken Saro-Wiwa, fondateur du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (MOSOP). La mort, ou plus exactement l'exécution par les autorités nigérianes, mais très vraisemblablement sur ordre de Shell, d'un homme dont le tort était de protester contre la dévastation du pays, la marginalisation politique de son peuple et son étranglement économique.
Devant l'échec d'une protestation pacifique, la révolte armée est devenue pour beaucoup des habitants des rives du delta le dernier recours après Dieu. D'abord dérisoire, éparpillée et dépourvue d'une claire conscience politique, elle a pris une autre tournure en janvier 2006 avec l'entrée en scène du MEND (Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger). Né au sein du peuple des Ijaws, organisé par une nouvelle génération de jeunes diplômés, ce mouvement s'est spécialisé dans les attaques surprises des installations pétrolifères et la prise en otage des expatriés qui y travaillent, et que le MEND libère volontiers contre rançon. De sabotages de pipelines en assauts de plateformes off-shore, il a réussi en un an à faire chuter la production de pétrole du Nigéria de 25%...
Rapides grâce aux zodiacs à partir desquels ils opèrent sur le fleuve, soutenus par la population, ils sont bien mieux armés que l'armée nigériane avec leurs AK-47 neufs, leurs mitrailleuses UK-68S et leurs colliers de cartouches. Et surtout, leurs amulettes et la protection d'Egbesu, le dieu de la guerre ijaw, les rendent intrépides. Voilà, ça s'appelle de l'animisme chrétien et c'est à l'épreuve des balles ! : "les jeunes Ijaws se disent fervents catholiques, mais préservent jalousement les traditions d’une sorte de garde secrète, soumise à une discipline féroce et à une stricte chasteté, à laquelle la population prête des pouvoirs surnaturels, comme celui d’être invulnérable aux balles". Un ethnologue d'ajouter : "L'esprit prend possession d'eux quand ils vont au combat. Ils ne craignent pas les mêmes choses que vous et moi".
Dans cet amalgame explosif de tradition et de modernité, les Ijaws ne perdent pas le Nord. Selon un avocat proche du MEND et des milices, spécialisé dans les droits civiques et les affaires de pollution, quelque 20.000 personnes (sur six à huit millions d’Ijaws) auraient déjà participé à des stages de formation paramilitaire de six mois qui sont dispensés dans de petits camps cachés dans des endroits difficiles d’accès du delta. La lutte contre les multinationales prédatrices ne fait que commencer. Et en plus, hé hé, il paraît que les Ijaws sont un peu cannibales...
Delta du Niger : Ijaws du MEND en rouge et blanc, leurs couleurs protectrices
Voir aussi les articles de Joëlle Stolz de février 1999 sur l'histoire récente du Nigéria et ses fractures :
http://www.monde-diplomatique.fr/1999/02/STOLZ/11638.html
http://www.monde-diplomatique.fr/1999/02/STOLZ/11639
Un grand article illustré sur le MEND par Tom O'Neill dans le National Geographic :
http://www7.nationalgeographic.com/ngm/0702/feature3/index.html
Et un autre de Sebastian Junge dans The Observer, repris par Courrier International, n° 877 (août 2007), p. 40-42 : "Chaos au Nigéria : La guerre du pétrole a commencé".