La reconstitution qui devait avoir lieu ces jours-ci du fait-divers du 27 octobre 2005 à l'origine des émeutes que l'on sait vient d'être reportée. Le seul protagoniste survivant, Muhittin Altun, 18 ans, a en effet été arrêté le 29 mai 2006 pour l'agression d'un véhicule de police au cours d'un nouvel accès de violences urbaines du côté de Saint-Denis et Montfermeil.
C'est sans doute le moment de revenir sur les faits survenus dans cette nuit du 27 au 28 octobre 2005. Que sait-on exactement ? Trois jeunes gens, Zyed Bena, Bouna Traore, respectivement 17 et 15 ans, et Muhittin Altun, déjà nommé, avaient forcé la porte d'un transformateur électrique à Clichy-sous-Bois. Après qu'ils eurent pénétré à l'intérieur, deux d'entre eux trouvèrent la mort par électrocution, le troisième, brûlé et retrouvé inanimé, put être secouru et sauvé par les pompiers.
Dans la journée du 28 octobre, les radios, notamment France Info, vont reprendre en boucle la nouvelle, suivies par les télévisions et les journaux du soir. Plusieurs journalistes suggèrent d'emblée une responsabilité de la police dans ces morts, car les jeunes gens se seraient réfugiés là nous dit-on "parce qu'ils étaient poursuivis par la police" ou encore "ils avaient trouvé refuge après une poursuite avec la police". Les plus réservés usent de quelques précautions oratoires : des jeunes "qui se croyaient poursuivis par la police" ou "pensant être poursuivis"...
Mais on voit mal comment des journalistes pouvaient exposer dès le matin du 28 ce qu'avaient pu penser ou pas immédiatement avant leur mort les deux personnes qui venaient de mourir dans la nuit, sachant que la troisième était hospitalisée dans un état jugé sérieux et donc hors d'état de répondre aux questions.
Or rien n'est venu confirmer en quoi que ce soit la présence de la police sur les lieux, bien au contraire, et qui plus est la police française en 2005 n'est ni un ogre ni la gestapo pour qu'on la fuie avec panique et qu'on se précipite dans un endroit interdit d'accès.
La complaisance des médias pour une version des faits tendancieuse et pour le moins prématurée fut la cause directe des émeutes qui allaient éclater le soir même. Cette version reprise imprudemment et sans aucun esprit critique leur avait apparemment été fournie par quelques jeunes des environs, de ceux qui ne pensent les rapports sociaux qu'en termes d'affrontements avec l'autorité et n'ont vu là qu'un prétexte ou une justification pour leurs propres violences (les pompiers intervenus sur les lieux avaient semble-t-il été pris à partie dès la nuit du drame).
Le fait que les parents des jeunes gens aient été reçus le 1er novembre 2005 à la fois par le premier ministre, Dominique de Villepin, et par le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, ne faisait qu'accréditer un peu plus cette thèse absurde des "policiers responsables de la mort des jeunes" et transformer en cause nationale un malheureux fait-divers. Cela n'appaisa d'ailleurs nullement les violences qui se poursuivirent plusieurs semaines sans frein.
Puisque la cause officielle ne tient pas, que s'est-il donc passé à Clichy-sous-Bois ? En bonne logique, il faut prendre en compte les points suivants : 1) un transformateur électrique est un lieu clos et accessible d'un seul côté, donc un cul-de-sac, à éviter si l'on est en vue d'un poursuivant, ce que des jeunes gens de cet âge savent fort bien ; 2) un transformateur électrique est un endroit risqué, et comme tel muni d'une porte verrouillée et signalé par des panneaux rouges "Danger de Mort". Celui de Clichy est en outre protégé par un mur de 2 mètres de haut surmonté de barbelés. Les jeunes gens ont donc dû passer le mur, puis forcer la porte.
Mais pourquoi ? S'ils s'étaient contentés de "se réfugier" à l'intérieur, l'accident n'aurait pas eu lieu. S'ils ont été électrocutés c'est donc qu'ils ont touché aux fils et aux manettes. Alors pourquoi des jeunes gens qui n'étaient poursuivis par personne ont-ils fracturé la porte d'un transformateur EDF et ont-ils manipulé l'appareillage électrique ? Mais pour le faire disjoncter bien sûr !
De tels actes de malveillance sont malheureusement devenus assez courants sur les lignes de trains de banlieue. L'arrestation récente pour violences contre la police du survivant de Clichy va dans le même sens. Un acte de délinquance idiot qui a mal tourné, c'est la seule hypothèse qui tienne la route. A moins que...
A moins qu'il s'agisse d'un jeu violent ou encore d'un règlement de comptes entre jeunes du type de ceux dont les locaux à poubelles et les caves de nos banlieues servent souvent de cadre. Mais cela, Muhittin Altun et ses avocats ne le diront pas.
Mais qu'allait-il donc faire dans cette galère ?