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  • : Géopolis
  • : Géopolis est consacré à la géopolitique et à la géostratégie : comprendre la politique internationale et en prévoir les évolutions, les conflits présents et à venir, tel est le propos, rien moins !
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Géopolis

Par ces temps troublés, l'actualité géopolitique inquiète et déconcerte. Les clefs nous manquent souvent pour en appréhender les facteurs d'évolution décisifs. Et en cette matière, les médias communs informent à peu près aussi mal qu'ils sont mal informés. On nous parle beaucoup de "mondialisation", mais la compréhension des désordres mondiaux n'en paraît pas tellement meilleure et les désordres eux-mêmes persistent, redoublent même... Bien sûr, Géopolis n'a pas la prétention de tout savoir et de tout expliquer. Nous tenterons simplement ici avec ceux qui voudront bien nous rejoindre de contribuer à la réflexion, d'éclairer certaines questions d'actualité en apportant des informations passées inaperçues ou des témoignages de première main, et aussi de prendre un peu de distance pour ne pas trop nous laisser impressionner par l'impact immédiat des événements. A qui s'adresse Géopolis ? A nous tous, simples citoyens, parce qu'en nos pays réputés démocratiques, nous sommes à l'origine de choix cruciaux : par le vote, c'est nous qui portons au pouvoir des hommes dont les décisions (ou les indécisions) feront le monde de demain, les guerres, la vie et la mort des pays et des peuples... C'est bien sérieux tout ça ! - Oui, le sujet est sérieux, mais les manières de l'aborder peuvent ne pas l'être toujours. Il sera donc aussi question de traités d'art militaire, de la formation des chefs d'Etat, de romans d'espionnage ou de cinéma...

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15 décembre 2007 6 15 /12 /décembre /2007 23:34
Les activistes d'extrême-gauche sont rarement bien inspirés (litote !). N'ont-ils pas amplement contribué à l'élection d'un certain Nicolas Sarközy, qu'ils n'ont eu de cesse de faire passer pour un homme de la droite dure - ce qu'évidemment il ne saurait être - aux yeux d'un électorat qui aspirait au retour à l'ordre ? Si le but n'était autre que de le faire élire, ils ont finement joué... Les opérations d'agit-prop', telles qu'occupations d'universités avec vols d'ordinateurs et livres jetés par les fenêtres, laissent aussi plus que dubitatif sur l'intelligence politique de ces énergumènes.

Mais il arrive, une fois n'est pas coutume, qu'ils visent juste. Pas plus tard qu'hier, quelques dizaines d'entre eux s'étaient donné rendez-vous devant les bureaux de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL), 8 rue Vivienne à Paris. Leur but : occuper les locaux jusqu'à la suppression de ladite CNIL. En apercevant l'une des deux banderoles déployées sur la façade, je crus d'abord à une heureuse nouvelle : "La CNIL 1978 - 2007 : dissolution", et pensai assister à une grève du personnel malheureux d'être viré après quelque saine décision gouvernementale de se passer d'un organisme inutile. Las ! Il n'en était rien, et la manifestation anti-CNIL fut rapidement dispersée avec l'arrivée de cinq cars de CRS sur les lieux (c'est peut-être un peu beaucoup cinq cars, non ?).

Cependant, un de mes informateurs (dont je ne donnerai pas le nom à la DST), me fit passer le tract de 4 pages portant les revendications du groupe sous le titre "Dissolution de la CNIL : le temps des marchands de sable est passé". En voici le texte, du moins les passages auxquels je souscris plus ou moins, le reliquat étant passé à la trappe pour cause de censure mélusinienne.

Dernière chose, le tract est signé par six mouvements, aux noms quelque peu folkloriques : "Groupe Oblomoff" (vu qu'Oblomov, dans le roman éponyme d'Ivan Gontcharov, est le type même de l'inaction, les actions d'Oblomov, c'est tout un programme !), "Pièces et main d'œuvre", "Mouvement pour l'abolition de la carte d'identité (MACI)", "Halte aux puces !", "Coordination contre la biométrie", "Souriez, vous êtes filmés", et compagnie, dit le tract. Ah, ces gauchistes ! Chacun est un mouvement politique à lui tout seul ! Bref, ces mouvements qui n'en sont qu'un seul, sont en fait les avatars du tout nouveau "Collectif George Orwell", cf. http://1984.over-blog.com/. Et puis ils ne sont peut-être pas si extrême-gauche que ça, malgré le référencement sur Bellaciao, car ça fait plutôt situationniste tout ça. L'intervention du Groupe Oblomoff contre Jean-Pierre Changeux au Collège de France en 2006 ne manquait d'ailleurs pas de sel :
http://groupededecroisseursberrichons.hautetfort.com/archive/2006/11/30/le-fascisme-applaudi-au-college-de-france.html

*

Depuis sa création en 1978, la Commission Nationale Informatique et Libertés n'a jamais cessé de justifier et de faciliter l'exploitation politique de nos vies. Main dans la main avec les gouvernements et les industriels, elle a concrètement travaillé à ce que l'inacceptable semble acceptable, en réduisant la liberté (par ?) le contrôle des flux informatiques.

Sa mission a consisté à endormir toute critique et toute révolte, en jugeant à notre place et en notre nom de ce qui pouvait porter le nom de liberté. Le marchand de sable a bien travaillé : en vingt ans, les pires anticipations de la science-fiction se sont matérialisées [pas encore, pas encore] dans l'impuissance générale [ça c'est un peu grandiloquent].

C'est pourquoi nous proclamons aujourd'hui la dissolution officielle de la CNIL

Ainsi la "révolution numérique" cessera-t-elle d'apparaître comme une nécessité inéluctable porteuse de dérives, mais bel et bien comme une pathétique contre-révolution imposée par les industriels et les gouvernants. C'est désormais à nous tous qu'il revient de juger de ce qui est, ou non, compatible avec la liberté.

Aujourd'hui, vendredi 14 septembre, nous sommes venus de toute la France [et surtout de Grenoble] occuper les locaux de l'institution défunte. Nous pensons nous y établir quelque temps [ce fut bref] afin de concrétiser les objectifs suivants, conditions minimales de notre remise en liberté :
- Le banissement de la biométrie et des puces RFID (Radio Frequency Identification Device)
- L'abolition de la vidéosurveillance sous toutes ses formes
[la suite on va censurer]

Expliquons-nous

Contrôle, surveillance et traçabilité sont désormais un mode de vie. C'est le fichage systématique : STIC (Système de traitement des infractions constatées), VELIB' ou NAVIGO. C'est l'accompagnement permanent : téléphone portable ou GPS. C'est le regard perpétuel : vidéosurveillance ou cookies. Ces nouvelles technologies, en pénétrant toutes les activités humaines, ont rendu l'anonymat obsolète.

[...] Bien peu réalisent que cette sécurité totale - et totalement fantasmée - contre le temps perdu et les événements fortement improbables, se paie d'une vulnérabilité inédite à l'égard de l'Etat et des entreprises.

La France d'aujourd'hui, c'est pour certains une grande prison, pour d'autres une vaste garderie ; c'est en tout cas un traitement continu de la population, tantôt bien traitée, tantôt maltraitée, mais toujours "gérée". Nous ne sommes plus que des chiffres dans des graphiques dressés par des imbéciles.

Les industriels et l'Etat ont fait de nous les jouets de la marchandise numérique, devenue un mode de vie incontournable. Incontournables ainsi, ses effets dévastateurs sur la santé et l'environnement, depuis les ondes électromagnétiques jusqu'à la pollution inédite générée par ces milliards de gadgets. Inévitables, ses effets délétères sur les relations humaines, disloquées par les sollicitations permanentes des machines, et prisonnières d'une tyrannie de la nouveauté qui rend nos grands-parents, et parfois nos parents, complètement hors du coup.

De 1978 à nos jours, la CNIL a été l'instrument privilégié de cette progressive réduction en esclavage, qu'elle facilita considérablement, en la présentant comme "nécessaire" et "conforme à la liberté".

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Brève histoire de la CNIL

La CNIL fut créée en janvier 1978 par des bureaucrates, et dissoute en décembre 2007 par une partie du peuple [20 personnes ? On aimerait y croire, mais il m'est avis qu'elle sera encore là en 2008...].

Sa création coïncide avec le scandale provoqué par le premier grand projet de fichage informatique par l'Etat, le projet Safari (Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus) de 1974 qui prévoyait l'interconnexion du numéro de sécurité sociale avec les autres fichiers administratifs. Il devint clair à ce moment-là que l'informatique donnait à l'Etat des moyens de contrôle sans commune mesure avec ceux du passé, l'interconnexion des fichiers facilitant l'organisation de rafles et de persécutions diverses. La CNIL servit donc d'emblée à endormir les citoyens : vous aurez le fichage informatique, mais vous pourrez connaître et rectifier ces données grâce à la CNIL. Ce qui s'est rapidement révélé aussi absurde qu'impraticable.

En tant qu'émanation de l'Etat, il allait de soi que la CNIL ne s'opposerait pas au développement croissant des pouvoirs de l'Etat grâce à l'informatique. Il allait aussi de soi qu'elle ne voudrait pas brider le formidable développement industriel offert par la gadgetterie électronique, vecteur d'une croissance [prétendue] illimitée.

Les 17 commissaires de la CNIL, tous grands commis de l'Etat, se sont presque toujours distingués par leur complaisance à l'égard des diktats du marché et des gouvernements. Plus encore, certains ont joué un rôle remarquable dans la mise en place de la surveillance automatisée et des gadgets numériques.

Philippe Lemoine, en cumulant illégalement les fonctions de commissaire à la CNIL et de vice-président de la chaîne de distribution Galeries Lafayette et PDG de sa filiale informatique Laser (filiale de Cételem-BNP-Paribas), ainsi que PDG de Cofinoga, est en bonne position pour arbitrer équitablement le brûlant conflit d'intérêts qui oppose les industriels aux défenseurs des libertés ! Dès 2005, à Caen, la société Laser, qu'il dirige, teste le paiement automatisé par le téléphone portable. Fin 2006, Laser met en place aux Galeries Lafayette le paiement à distance grâce à la technologie RFID des puces sans contact... qui, en matières de licenciements, ouvre des perspectives très alléchantes.

Alex Türk, président de la CNIL à partir de 2004 et sénateur du Nord [non-inscrit], se décrédibilise en rendant la CNIL juridiquement impuissante face aux fichiers concernant la sûreté de l'Etat (Défense, sécurité publique), ce pour quoi elle avait été initialement créée. Il est en effet rapporteur au Sénat de la refonte de la loi informatique et libertés de 2004, qui ôte à la CNIL ses pouvoirs contraignants et légalise tous les fichiers de police jusque-là hors la loi.

En 1995, la CNIL avalise la généralisation de la vidéosurveillance. Le 9 juillet 2007, Alex Türk déclare publiquement que la CNIL "n'est pas contre la mise en place de réseaux de vidéosurveillance par principe". En 2005, la CNIL déclare que "les Français devront accepter un affaiblissement des libertés individuelles afin de renforcer la sécurité collective" et approuve de nouvelles mesures sécuritaires au nom de la lutte anti-terroriste.

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[Je vous avais dit que c'était long. La suite plus tard.]
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