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  • : Géopolis
  • : Géopolis est consacré à la géopolitique et à la géostratégie : comprendre la politique internationale et en prévoir les évolutions, les conflits présents et à venir, tel est le propos, rien moins !
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Géopolis

Par ces temps troublés, l'actualité géopolitique inquiète et déconcerte. Les clefs nous manquent souvent pour en appréhender les facteurs d'évolution décisifs. Et en cette matière, les médias communs informent à peu près aussi mal qu'ils sont mal informés. On nous parle beaucoup de "mondialisation", mais la compréhension des désordres mondiaux n'en paraît pas tellement meilleure et les désordres eux-mêmes persistent, redoublent même... Bien sûr, Géopolis n'a pas la prétention de tout savoir et de tout expliquer. Nous tenterons simplement ici avec ceux qui voudront bien nous rejoindre de contribuer à la réflexion, d'éclairer certaines questions d'actualité en apportant des informations passées inaperçues ou des témoignages de première main, et aussi de prendre un peu de distance pour ne pas trop nous laisser impressionner par l'impact immédiat des événements. A qui s'adresse Géopolis ? A nous tous, simples citoyens, parce qu'en nos pays réputés démocratiques, nous sommes à l'origine de choix cruciaux : par le vote, c'est nous qui portons au pouvoir des hommes dont les décisions (ou les indécisions) feront le monde de demain, les guerres, la vie et la mort des pays et des peuples... C'est bien sérieux tout ça ! - Oui, le sujet est sérieux, mais les manières de l'aborder peuvent ne pas l'être toujours. Il sera donc aussi question de traités d'art militaire, de la formation des chefs d'Etat, de romans d'espionnage ou de cinéma...

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16 décembre 2007 7 16 /12 /décembre /2007 18:27
Donc voici la suite du tract (la première partie ici : http://geopolis.over-blog.net/article-14641411.html).

*

Il est donc peu surprenant que la période d'exercice de la CNIL ait coïncidé avec un développement accéléré du gouvernement numérique, comme l'illustre cet inventaire de procédures officiellement déclarées "compatibles avec la liberté" par la CNIL :
- le passe Navigo [qui va remplacer la carte orange dans le métro parisien] (décembre 2004),
- les spams "dans le cadre professionnel" (mars 2005),
- Microsoft et Vivendi autorisés à utiliser des logiciels espions pour dénoncer les internautes usagers du peer-to-peer (avril 2005),
- la carte de fidélité biométrique (avril 2005),
- les assureurs médicaux autorisés à constituer des fichiers de prescription de leurs assurés (AXA en 2004, Groupama et SwissLife en 2005),
- la biométrie dans les cantines scolaires (janvier 2006),
- les entreprises de location de voitures autorisées à ficher les conducteurs auteurs d'infractions (juillet 2006),
- le passeport biométrique,
- la biométrie faciale (reconnaissance automatique des visages par les caméras) autorisée "à des fins de recherche" (février 2007),
- le dossier médical personnalisé, c'est-à-dire informatisé (mai 2007),
- les compagnies d'assurances autorisées à mettre des mouchards électroniques dans les véhicules de leurs assurés (septembre 2007).
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[...] La CNIL est donc directement impliquée dans la mise en place de la société numérique, qu'elle a pour tâche de rendre à lafois potentiellement menaçante et objectivement acceptable. C'est pourquoi la CNIL relève moins de la simple fumisterie que d'une excellente agence de développement du monde numérique.

En somme, le travail de l'institution se résume à trois choses :
1° Mettre en place de façon provisoire, là où de nouvelles formes de surveillance numérique sont créées, des contrepoids aussi futiles qu'elle-même.
2° Piloter en amont des projets industriels indéfendables, de façon à les rendre compatibles avec le niveau de servitude médiatiquement annoncé comme acceptable*.
3° Enfermer la question de la liberté dans une expertise incompréhensible, de façon à désarmer toute opposition aux technologies informatiques.

*Un exemple parmi d'autres : Après avoir recalé le projet de la MAAF consistant à placer des mouchards électroniques dans les voitures de ses assurés, la CNIL a publié une norme simplifiée pour aider les assureurs à placer leurs mouchards sans être dans l'illégalité (mars 2006). Elle a en outre travaillé en partenariat avec la société AXA sur le même projet d'"adaptation de la prime d'assurance à l'usage réel du véhicule", aidant ainsi la compagnie d'assurance à contourner la loi (septembre 2007).

Votre liberté, les experts s'en chargent (c'est trop compliqué pour vous)

Des écrans partout. Des ondes électromagnétiques dont on ne sait rien, sinon qu'elles sont nocives. Des métiers qui se transforment ; certains qui disparaissent. Des publicités qui surgissent de nulle part et s'individualisent. Des machines qu'il faut acheter pour travailler et "être à jour", et ensuite jeter, sans avoir jamais compris comment elles marchaient... Qui l'a vraiment choisi ? Qui l'a vraiment voulu ?

Au nom de quoi et de qui la CNIL décide-t-elle que ces transformations de nos modes de vie sont compatibles avec la liberté ?

L'existence d'une Commission informatique et libertés a pour principale fonction de faire en sorte que la population apprenne à ne plus juger. Car les experts ès libertés qui la composent sont devenus les seuls dépositaires de la bonne critique. La biométrie, c'est bien ou c'est pas bien ? Ça va, la CNIL l'a autorisée.

Bien évidemment, la "bonne critique" selon la CNIL - c'est-à-dire selon l'Etat - est une critique ouverte sur l'avenir, constructive, responsable. Une critique qui ne refuse pas en bloc les innovations, mais qui les accepte en posant des garde-fous dont il est pourtant évident qu'ils tomberont d'eux-mêmes une fois le système mis en place. Vous connaissez beaucoup de gens qui portent plainte quand ils reçoivent des spams non désirés ? Vous pensez vraiment que les patrons ne se serviront pas de la biométrie et du GPS pour fliquer les employés, maintenant qu'ils sont autorisés "sous conditions" ?

Et si, s'apercevant que ces technologies servent uniquement les intérêts des pouvoirs, on ne voulait pas de biométrie du tout ? Pas de RFID du tout ? Pas de tests ADN du tout ? Allons... ce n'est pas responsable.

L'expertise en matière de liberté sert tout simplement à adapter nos critères de jugement et nos valeurs à la société voulue par les dirigeants. Evacuant tout questionnement d'ensemble, toute révolte sensible, les experts ès libertés élaborent purement et simplement une éthique de robots. La transformation des modes de vie de toute la population est ainsi soumise à des questionnements purement techniques, d'une complexité digne des controverses théologiques. La CNIL ne demande pas, à propos des RFID : "Pourquoi gérer les personnes comme des produits de supermarché ?". Elle considère que "le stockage des données dans le système informatique relié au dispositif doit être à durée limitée". Elle ne dit pas, à propos de la biométrie : "Les gens ne sont pas des codes-barre", mais : "Le degré d'intrusion du système biométrique en vigueur doit être proportionné à la finalité poursuivie".

La CNIL ne se préoccupe pas de dignité, parce qu'elle considère a priori normal que nous soyons gérés comme des marchandises. Peu à peu, tout le monde s'habitue à penser dans la novlangue "Informatique et libertés", et la liberté en vient à signifier le contrôle des flux informatiques émis par le troupeau humain.

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[...] Les illusions de la CNIL (comment s'en débarrasser)

Illusion 1 : La CNIL est indépendante
La CNIL est si proche des pouvoirs qu'elle est presque complètement indépendante de la société française. [Voir plus haut les cas de Alex Türk, son président, et de Philippe Lemoine, commissaire à la CNIL et directeur d'une société informatique spécialisée dans le RFID (paiement sans contact)]

Illusion 2 : La CNIL permet de faire respecter ses droits
La CNIL, en théorie, permet de faire valoir le peu de droits qu'il nous reste vis-à-vis du déferlement numérique, la dérisoire "connaissance et rectification après coup de nos données personnelles". Un journaliste du Monde a calculé qu'au rythme actuel, il faudrait 7.000 ans pour que les personnes figurant sur le STIC* aient accès à leur fiche et puissent la corriger... C’est en effet à la CNIL qu’il faut s’adresser pour savoir si l’on figure dans tel fichier, et rectifier, le cas échéant, les informations qui s’y trouvent. Largesse policière qui permet aux espionnés de concourir à leur espionnage.

Illusion 3 : La CNIL protège nos libertés
Selon la CNIL, le seul problème que pose l'informatique pour la liberté est celui des conditions de gestion des données personnelles, chose sur laquelle elle n'a concrètement aucun pouvoir. Les conséquences néfastes de la "révolution numérique" qui nous a été imposée n'ont jamais posé problème à la CNIL : fichage systématique, dépendance au quotidien, perte d'autonomie et de savoir-faire techniques dans les métiers, désastre écologique, restructurations perpétuelles.

* Le STIC (Système de traitement des infractions constatées) est un gigantesque fichier devant recenser toutes les informations concernant les personnes mises en cause dans des procédures judiciaires, ainsi que leurs victimes. Le traitement vise les enquêtes ouvertes pour les crimes, les délits et les six catégories de contraventions de classe 5 :
- destruction ou dégradation volontaire d'un bien appartenant à autrui avec dommage léger,
- port ou exhibition d'uniformes, d'insignes ou d'emblèmes rappelant ceux d'organisations ou de personnes responsables de crimes contre l'humanité,
- provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale,
- intrusion dans les établissements scolaires,
- violences volontaires avec incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours,
- racolage.

Outre l'identité (nom, adresse, filiation, nationalité) le signalement et la photographie, les faits et les modes opératoires observés pendant la procédure seront enregistrés.

[Il apparaît donc que ce système fiche autant les victimes que les criminels, autant les crimes que les délits d'opinion.]

En pratique, le travail de la CNIL a consisté, d'une part, à donner une légitimité à des projets industriels manifestement hostiles aux libertés ; et d'autre part, à construire à notre place, de toutes pièces, une définition restrictive de la liberté, pour complaire aux industriels et aux dirigeants.

Et le plus incroyable, c’est de voir les tenanciers de la conscience civique (journalistes, avocats, universitaires) faire mine de prendre au sérieux la fonction protectrice de la CNIL, déplorer la faiblesse de son budget, de ses effectifs, de ses pouvoirs. Comme si cet organe administratif, avec ses 17 membres choisis parmi les grands commis de l’Etat, placé sous l’autorité du gouvernement, n’était pas celui-là même qui préfigure le mieux la société de surveillance.

A nous de protéger notre liberté.
 
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