Que l'armée française délivre Tombouctou, ville savante et trésor du soufisme, des fous d'AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) et de leurs alliés d'Ansar Dine, ce sera une excellente chose. Les questions délicates vont se poser après. Elles ne seront pas tant militaires que politiques. Quelle est vraiment et quelle sera la position du gouvernement français ? Sera-t-elle juste ? L'ancien Soudan français va-t-il redevenir par force un seul pays, le Mali, au détriment des Touaregs ?
Au printemps 2012, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) avait pris le contrôle de tout le Nord du Mali et proclamé le 6 avril 2012 l'indépendance du pays touareg, espérée depuis des décennies par ces populations semi-nomades victimes des exactions de l'armée malienne et abandonnées à leur sort. Las, ce nouveau pays n'a été reconnu ni par la France, ni par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) que l'ONU souhaite voir intervenir au Mali, ni par la prétendue "communauté internationale". Il n'est reconnu que par Géopolis !
Il suffit pourtant d'examiner la géographie historique et humaine pour saisir le problème.
En novembre 2012, Bilal Ag Acherif, président du Conseil transitoire de l'État Azawad (www.mnlamov.net), demandait le soutien de la France pour lutter contre les infiltrations d'AQMI et de ses suppôts en territoire touareg. Pourtant, ce n'est pas aux côtés des Touaregs, mais de l'armée malienne que la France intervient aujourd'hui. Est-ce pour lui livrer à nouveau ces territoires, alors même que l'on signale déjà des exactions et exécutions sommaires contre les Touaregs ? Je cite la lettre de Human Rights Watch au président François Hollande :
"En ce qui concerne le soutien apporté à l’armée malienne pour regagner le contrôle de son territoire nationale, nous vous exhortons également à assurer et à déclarer publiquement que la France ne soutiendra pas les éléments de l’armée malienne responsables d’abus, dont en particulier le leader du coup d’Etat, devenu chef de la réforme du secteur de la sécurité, le capitaine Sanogo. Les troupes sous son autorité ont été impliquées dans des exécutions extrajudiciaires, des cas de torture et des disparitions forcées, et ne devraient pas être autorisées à commettre de nouveaux abus.
[...] Plus spécifiquement, les obligations de la France en matière de droits humains interdiraient à ses forces armées de remettre des détenus aux autorités maliennes ou à d’autres Etats en cas de risque réel de soumission à la torture, à la peine de mort ou à des traitements inhumains et dégradants. Les accords de la France avec le Mali concernant les opérations de ses forces armées doivent refléter ces obligations en matière de droits humains.
Nous nous sentons également dans le devoir de vous prévenir que lorsque l’armée malienne regagnera le contrôle du territoire au nord, si tel est le cas, des représailles et des assassinats généralisés à l’encontre des civils perçus comme étant opposés au gouvernement risquent d’avoir lieu. Les tensions ethniques sont très fortes et les milices pro-gouvernementales, ainsi que des groupes de jeunes, ont rassemblé des listes de personnes qu’elles soupçonnent d’avoir soutenu les groupes islamistes et le MNLA et dont elles cherchent à se venger. Plusieurs de ces miliciens et leurs chefs nous ont confié que ces listes avaient été remises à l’armée malienne." (Lettre de HRW au président de la République française, le 21 janvier 2013)
Mais quel poids ont les Touaregs face aux intérêts d'AREVA dans le Niger voisin ? cf. Les ordures d'AREVA Nos intentions sont-elles si pures ? Et question subsidiaire : Qui dirige le Mali aujourd'hui, un gouvernement fantoche ou une junte militaire ?
Pour mieux comprendre, un très intéressant reportage d'Olivier Joulie et Laurent Hamida, diffusé sur la chaîne ARTE le 29 juin 2012 :
La décolonisation, c'est aussi savoir enfin s'affranchir des frontières arbitraires décidées par le colonisateur.