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  • : Géopolis
  • : Géopolis est consacré à la géopolitique et à la géostratégie : comprendre la politique internationale et en prévoir les évolutions, les conflits présents et à venir, tel est le propos, rien moins !
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Géopolis

Par ces temps troublés, l'actualité géopolitique inquiète et déconcerte. Les clefs nous manquent souvent pour en appréhender les facteurs d'évolution décisifs. Et en cette matière, les médias communs informent à peu près aussi mal qu'ils sont mal informés. On nous parle beaucoup de "mondialisation", mais la compréhension des désordres mondiaux n'en paraît pas tellement meilleure et les désordres eux-mêmes persistent, redoublent même... Bien sûr, Géopolis n'a pas la prétention de tout savoir et de tout expliquer. Nous tenterons simplement ici avec ceux qui voudront bien nous rejoindre de contribuer à la réflexion, d'éclairer certaines questions d'actualité en apportant des informations passées inaperçues ou des témoignages de première main, et aussi de prendre un peu de distance pour ne pas trop nous laisser impressionner par l'impact immédiat des événements. A qui s'adresse Géopolis ? A nous tous, simples citoyens, parce qu'en nos pays réputés démocratiques, nous sommes à l'origine de choix cruciaux : par le vote, c'est nous qui portons au pouvoir des hommes dont les décisions (ou les indécisions) feront le monde de demain, les guerres, la vie et la mort des pays et des peuples... C'est bien sérieux tout ça ! - Oui, le sujet est sérieux, mais les manières de l'aborder peuvent ne pas l'être toujours. Il sera donc aussi question de traités d'art militaire, de la formation des chefs d'Etat, de romans d'espionnage ou de cinéma...

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12 janvier 2007 5 12 /01 /janvier /2007 23:57
Peut-être certains se souviennent-ils d'un reportage des journalistes Grégoire Deniau et Cyril Payen diffusé à une heure tardive le 16 juin 2005 dans l'émission 'Envoyé spécial' sur France2 ? Sous le titre de "Guerre secrète au Laos" il évoquait le sort des Hmongs, une population en perdition dans la jungle, traquée de concert par les armées laotiennes et vietnamiennes, et réduite au plus complet dénuement. Comme un reportage comparable diffusé en mai 2004 par la BBC l'avait fait pour le public anglais, cette émission saisissante nous faisait découvrir que dans les forêts denses du Laos, 30 ans après, la Guerre du Vietnam n'est pas terminée...

Cela ressemble à ces histoires de combattants isolés sur une île qui se croient toujours en lutte longtemps après la fin d'une guerre, la nouvelle de l'armistice ne leur étant jamais parvenue. Mais la guerre en ce cas continue vraiment et continuera jusqu'à extermination complète des quelque 10.000 malheureux survivants de cette folie - ce qui ne saurait tardé.

Il y a un an, le public français s'était ému de cette affaire qui touche une minorité autrefois alliée de la France en Indochine. Une pétition rassemblant près de 15.000 signatures a été adressée au président Jacques Chirac, à ce jour sans réponse et sans effet... Et le sujet est retourné à la trappe médiatique aussi soudainement qu'il en était sorti. Au demeurant, aucun des intellectuels de médias, d'ordinaire si prompts à s'indigner (cf. la Tchétchénie), ne semble s'être intéressé aux Hmongs. Aucun, si je ne me trompe, n'est venu appuyer de son illustre signature ce mouvement de sympathie spontanée.

Il faut dire que le sujet dérange : l'Indochine est loin, le Laos devient une destination touristique, ELF s'installe, mais ce qui dérange peut-être le plus c'est que les Hmongs ont fait un choix de Harkis. Au service de la France jusqu'en 1954, combattants de Dien Bien Phu pour certains, ils ont ensuite été employés par la CIA entre 1962 et 1975 pour surveiller la frontière du Vietnam et récupérer les pilotes d'hélicoptères abattus, en une guerre restée secrète puisque officiellement le Laos n'y était pas impliqué. Quand les Américains ont battu en retraite et quand, en mai 1975, les communistes du Pathet Lao ont pris le pouvoir à Vientiane, la capitale du pays, une partie de ces montagnards Hmongs a été réinstallée de force dans les plaines, tandis que les autres - notamment les plus impliqués dans la collaboration avec les USA, et leurs familles - n'ont eu d'autre choix que l'exil (un tiers des Hmongs a fui le pays dans les années 70) ou le maquis sur les pentes difficiles d'accès du mont Phu Bia (pour environ 30.000 d'entre eux), pour échapper aux camps de rééducation.

Il semble que leur notoriété récente, aussi fugace qu'elle ait été, n'ait fait qu'empirer les choses pour les exilés de l'intérieur, aujourd'hui réduits à une dizaine de milliers, dont beaucoup d'enfants. L'étau se resserre autour de ces Hmongs de la jungle répartis en petits groupes errants : pourchassés, soumis à toutes les exactions lorsqu'ils ne fuient pas assez vite, privés d'approvisionnement, se nourrissant de racines, il leur devient très difficile de survivre et ils sont de plus en plus nombreux à sortir de la forêt et à se rendre. Alors cependant, on ignore quel destin ait le leur puisque les autorités laotiennes préfèrent nier leur existence et empêchent tout contact avec eux. Quant à ceux expulsés de Thaïlande où ils pensaient trouver refuge, ils sont soumis à rééducation, une vieille tradition de la région dans le style khmer rouge... Evidemment, le fait que le Laos soit toujours sous le régime d'une dictature communiste ne facilite guère une résolution douce du conflit (!) si tant est que l'on puisse encore parler de conflit alors que cette résistance aux pieds nus est exsangue (leurs munitions sont celles abandonnées par les Américains il y a 30 ans).

Enfin bon, tant que nous n'avons pas d'intérêt particulier à bombarder ce côté-là de la planète, il n'y a pas lieu que nos médias se focalisent sur le sort des Hmongs ! Les indignations ne valent qu'à l'appui d'une politique... En attendant, le Laos est aussi le 3e producteur mondial d'opium après l'Afghanistan et la Birmanie, et un des pays les plus pauvres du monde. Sale histoire !
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commentaires

F
Je pense qu'il faut avoir toujours à l'esprit le sort de ce peuple oublié de tous, et bien d'autres encore, ne jamais laché prise, pour que les générations futures sachent et apprenent,  <br /> la betise et la cruauté humaine est en marche depuis tellement longtemps, qu'est ce qui pourrait l'arreter ? un monde tolérant, je crois que la je suis très optimiste.......<br /> Mais qui sait???<br />  
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M
C'est un peu défaitiste, non ?Pour le passé, on ne peut rien, mais dans le présent, oui. C'est tout le sens de l'action politique juste ou, du moins, orientée au Bien.Je ne crois pas au "Plus jamais ça" pour la bonne raison que le temps n'est pas cyclique, donc "ça" ne reviendra de toutes façons pas. En revanche, d'autres choses peuvent advenir qui seront comparables ou pires et que certains s'obstinent à ne pas voir parce qu'ils sont obnubilés par le "ça" passé.Le "monde tolérant", c'est de l'utopie et l'utopie a fâcheusement tendance à déboucher sur le totalitarisme. Quand on veut réformer l'homme mauvais à toutes forces...L'intelligence et la noblesse humaine sont en marche depuis tout aussi longtemps !
M
"Notre" vae victis vaut là-bas comme ici... J'ai un peu l'impression de lire notre histoire.... Jean de Brem : "A moi, qui ne suis plus rien et qui n'apporte rien, la civilisation fait un cadeau gigantesque : Le patrimoine de l'Europe, chacun de nous est le dernier des Européens. Je suis le prince débile issu d'une lignée de colosses et qui va peut-être clore une race"
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M
Belle formule qui me fait penser à ce que disaient d'eux-mêmes les hommes du Moyen Age, héritiers du savoir antique : Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants.Mais sommes-nous des Hmongs ? Je te trouve bien pessimiste.Enfin, on peut l'être plus encore : les forêts de France étant beaucoup moins denses que la jungle du Laos, il sera plus difficile de s'y cacher !