L'étroitesse des liens politiques tissés entre les Etats-Unis d'Amérique et Israël ne surprend guère. Pourtant ces liens posent question.
On interprète en général cette relation privilégiée comme le résultat de l'influence d'un lobby. Le plus souvent c'est l'influence du lobby juif au Congrès américain qui est mise en avant, le très officiel American Israël Public Affairs Committee, "America's Pro-Israel Lobby" comme il se définit lui-même (cf. www.aipac.org). L'intérêt d'Israël prime et la politique américaine paraît principalement déterminée par des choix en partie étrangers aux intérêts propres des Américains.
Quelques observateurs font l'analyse inverse : le lobby militaro-industriel américain tire en effet d'énormes profits des tensions persistantes au Proche-Orient, le surarmement d'Israël poussant les pays voisins à investir toujours plus dans leur défense (cf. www.dedefensa.org/article.php?art_id=589). Les USA sont d'ailleurs parvenus à liquider le programme israëlien d'avions militaires Lavi, pour éviter une concurrence aux F-16 qu'ils leur vendent.
En d'autres occasions, comme aujourd'hui dans l'attaque du Liban, les Israëliens peuvent apparaître comme des supplétifs de la politique américaine qui vise ouvertement la Syrie et l'Iran, principal soutien du Hezbollah.
Il n'en demeure pas moins que, pour citer le professeur Zunes (University of San Francisco, Department of Politics), "The US aid relationship with Israel is unlike any other in the world. In sheer volume, the amount is the most generous foreign aid program ever between any two countries" (cf. Stephen Zunes "Tinderbox : US Middle East Policy and the Roots of Terrorism", 2003).
En effet, un tiers du budget américain destiné à l'aide aux pays pauvres est alloué à Israël, bien qu'il s'agisse d'un pays développé et industrialisé. Il est vrai que l'essentiel de cette aide sert ensuite à acheter des armes aux USA...
Cependant, au delà de la question de savoir qui profite le plus de l'alliance, force est de constater que cette alliance elle-même est assez inédite, une sorte d'objet politique non encore bien identifié et tout à fait nouveau dans l'Histoire. Israël serait-il le cinquante-et-unième état des Etats-Unis d'Amérique et l'étoile de David une nouvelle étoile sur le drapeau américain ?
Le processus n'est pourtant pas celui-là. Il ne s'agit pas d'une intégration classique et il ne semble pas non plus y avoir de véritable osmose entre les populations. Il y a en revanche une convergence d'intérêts des gouvernants des deux pays. Cette convergence repose sans doute sur des traités militaires secrets et sur des intérêts financiers partagés, mais ni Israël ni les USA ne cherchent à la dissimuler et ses effets sont d'ailleurs manifestes dans leurs prises de positions respectives.
Dès lors, on s'aveugle sans doute à vouloir encore les considérer comme deux pays distincts alors qu'ils vont toujours de conserve. Attendre, par exemple, du Conseil de Sécurité de l'ONU où les USA ont droit de veto, qu'il émette des réserves, condamne ou intervienne contre telle ou telle action d'Israël, c'est comme demander à Israël de critiquer sa propre politique... Peine perdue ! Il ne faut donc pas s'étonner de la paralysie de l'ONU comme de l'OTAN sur le sujet.
En termes de géopolitique, considérer Israël et les USA comme une seule et même entité permettrait de clarifier les choses. L'entité géopolitique United States & Israel, ou pour faire court, USI, est une hyperpuissance militaire. J'ai retiré le A car son territoire ne se limite pas au continent Nord-Américain. L'USI est membre-directeur de l'OTAN et dispose d'un poste permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU.